Christophe Gaillet, entretien exclusif

Par Berenice, le

On ne présente plus Christophe Gaillet, maître de l’avant-garde sophistiqué et directeur artistique de la Haute Coiffure Française. Dans le prochain numéro de TRIBU-TE Magazine Printemps/Été 2023, il s’interroge avec nous sur la portée artistique de la coiffure. En avant-première, retrouvez ici son interview au complet.

TRIBU-TE. Christophe, quand estimes-tu que la coiffure devient un art ?

C.G. Elle le devient quand elle est « spectaculaire », inventive et surtout quand elle dégage une certaine émotion au plus juste et au plus simple. Souvent quand je regarde le travail d’un artiste, quel qu’il soit et que je m’arrête dessus, pris par une émotion spontanée, bien au-delà d’une certaine compréhension ou explication, pour moi, c’est déjà « gagné » !

TRIBU-TE. Quelles sont tes sources d’inspiration ?

C.G. Tellement de choses peuvent nous inspirer et nous emmener sur le chemin de la créativité. La curiosité est un atout important pour réveiller mon imaginaire afin de « réinventer » un style ou une idée. J’aime détourner, mettre en opposition, créer une rupture pour encore une fois retrouver une émotion, une alchimie. Pour moi, la nature est une source incroyable de créations par sa richesse colorielle, sa faune incroyable, ses formes spectaculaires.  Regardons à 360 degrés car tout est autour de nous, il faut juste le voir.

TRIBU-TE. Quelle est l’importance de l’entourage professionnel ?

C.G. L’entourage professionnel est très important pour chacun d’entre nous afin de s’élever artistiquement. J’essaye de privilégier des rapports sains et bienveillants. C’est vraiment un tout petit monde et nous nous connaissons tous de près ou de loin et souvent nous nous retrouvons sur différents projets artistiques pour collaborer tous ensemble. 

TRIBU-TE. Cherches-tu à susciter une émotion particulière ? De l’admiration ? De la provocation ?

C.G. Par le biais de mon art, oui absolument, mais je ne cherche rien de particulier en général. De l’admiration ? Sûrement pas et surtout pas… Quelle prétention j’aurais, lol. Mais plutôt de la fragilité, de la douceur avec une pointe de provocation !

TRIBU-TE. Quelle est la création dont tu es le plus fier ? Raconte-nous son histoire

C.G. J’ai quelques créations qui m’ont marqué, mais au-delà de la création propre, c’est l’histoire qu’elles ont suscitée par l’inspiration, la conception, l’émotion sur scène avec le mannequin qui lui donnait vie. Mais j’en retiendrai une, lors d’un Tribu-te show à Paris et à Londres en 2015. C’était l’inspiration d’une création d’Alexander McQueen, une incroyable robe évolutive réalisée entièrement avec de longs coquillages. Lors du défilé, le mannequin brisait les coquillages au fur et à mesure qu’elle évoluait. C’était juste incroyable ! J’ai eu donc envie de reprendre l’idée et de l’emmener sur mon terrain de jeu, en réalisant une perruque entièrement avec les mêmes coquillages. Lorsque le mannequin a terminé le défilé, elle a brisé de toutes ses forces cette perruque sur les extrémités afin de laisser apparaître un carré « sur mesure ».  Un moment unique !

TRIBU-TE. Les réseaux sociaux ont-ils apporté à la coiffure une autre dimension ?

C.G. J’ai un avis très tranché sur cette question. Les réseaux ont bouleversé notre métier par les infos, les images, l’éducation, diffusées à une vitesse incroyable, comme une surenchère de créations et qui laissent peu de temps à l’expectative. Une certaine banalisation de la qualité s’est aussi installée. Des créations incroyables sont très vite passées à « la trappe » ou souvent ont été plagiées. 

Il y a aussi un côté très positif : l’ouverture plus large sur le monde artistique, la découverte de jeunes talents, des échanges artistiques avec d’autres coiffeurs aux univers incroyables et bien sûr la découverte de magnifiques réalisations. Et pour tout cela, je dis OUI !

En tant que coiffeur freelance, je travaille beaucoup avec les réseaux, ce qui me fait une très belle vitrine. Quant aux réactions en tout genre, j’ai appris à prendre une certaine distance. Je crois que ce qui m’agace un peu plus, ce sont les donneurs de leçons, la méchanceté gratuite ou ceux qui déforment ou reprennent des messages. Mais c’est la loi des réseaux sociaux. Ils restent aujourd’hui un outil indispensable.

TRIBU-TE. Est-ce que la mode est moteur dans le processus de création en coiffure ?

C.G. Sans aucun doute. Elle a toujours été très présente à mes côtés. Elle permet de « nourrir » mon esprit créatif et de déclencher de nouvelles idées.  J’aime aussi regarder la façon dont le défilé est mis en scène. L’histoire que cela raconte me permet d’en écrire de nouvelles. Je regrette qu’aujourd’hui peu de couturiers mettent les cheveux en avant lors de leurs défilés. Je garde toujours dans un coin de ma tête les créateurs qui résonnent encore aujourd’hui : Alexander McQueen, Yves Saint Laurent, Paco Rabanne ou Thierry Mugler. Les jeunes talents sont aussi créatifs et complètement décomplexés comme, Charles de Vilmorin, Balenciaga ou Jacquemus.